Julien

À Rougiers, dans le Var, Julien cultive le pois chiche sur les terres familiales transmises depuis quatre générations. Ce village provençal, niché au pied de la Sainte-Baume et d’un ancien volcan, est réputé pour ses pois chiches rustiques et savoureux. Sur 4 à 5 hectares, Julien perpétue cette culture traditionnelle avec des méthodes naturelles, sans irrigation ni produits chimiques, en rotation avec des céréales. Il contribue ainsi au développement d’une filière locale de légumineuses, en valorisant un produit accessible, de qualité, profondément ancré dans son terroir.

1. Qui êtes-vous et où se situe votre ferme ? 

Je m’appelle Julien, je suis agriculteur à Rougiers, dans le Var. Mon exploitation est familiale : elle se transmet depuis quatre générations. On y cultive aussi la vigne — environ 25 hectares — que nous vinifions en coopérative, avec ma mère et ma sœur. Pour ma part, je cultive 4 à 5 hectares en pois chiche, en rotation avec d’autres cultures. C’est une activité que j’ai développée progressivement, en m’appuyant sur les terres disponibles autour du village.

2. Sur quel type de terres cultivez-vous les légumineuses ?

Je cultive les pois chiches sur des parcelles qui, auparavant, n’étaient pas utilisées pour la vigne. Certaines ont été laissées un temps en jachère, avant d’être remises en culture. Les terres sont situées au pied d’un ancien volcan, ce qui leur confère une richesse minérale exceptionnelle. Ce sol sec, bien drainé et naturellement équilibré est idéal pour la culture du pois chiche.

À Rougiers, cette légumineuse fait partie de l’histoire agricole locale. On en cultive ici depuis des générations : le pois chiche est une véritable spécialité du village. Grâce à la qualité des sols et au climat, on obtient un produit à la fois rustique, savoureux et très apprécié en circuit court.

3. Pourquoi cultiver du pois chiche ici, en Provence ?

Le pois chiche, c’est une culture bien adaptée à notre climat sec. Elle n’a pas besoin d’être irriguée, ce qui devient de plus en plus important dans le contexte actuel. Comme je dis souvent : “Le pois chiche, on ne l’arrose pas. Il voit de l’eau uniquement dans la casserole !” D’un point de vue agronomique, il s’intègre bien dans mes rotations, et résiste mieux que d’autres cultures aux aléas climatiques.

Et puis il y a aussi un aspect culturel : c’est une légumineuse traditionnelle ici, qui faisait partie des plats quotidiens de nos anciens. J’essaie de faire vivre cette tradition à ma manière.

4. Comment le cultivez-vous (techniques, pratiques durables) ?

Je travaille de manière 100 % naturelle. Pas de désherbant, pas de traitement. Avant de semer, je passe un coup de charrue une semaine à l’avance pour faire lever les graines indésirables. Ensuite, je sème à une densité de 180 kilos par hectare : cela permet de couvrir rapidement le sol et de limiter la concurrence des adventices.

 

Il n’y a pas d’arrosage : le pois chiche se débrouille seul pendant son cycle de quatre mois. J’applique aussi une rotation rigoureuse. Je cultive du pois chiche pendant deux années consécutives au maximum sur une même parcelle. Ensuite, je passe à des céréales, puis j’attends plusieurs années avant d’y revenir. C’est une organisation qui permet de préserver la fertilité des sols et de limiter les risques de maladies.

Le pois chiche a aussi l’avantage d’un cycle court : je le sème en mars, et la récolte s’achève vers fin juillet. C’est une culture rustique, facile à mener, et bien adaptée à nos conditions.

5. Comment valorisez-vous votre production de pois chiche ?

Je vends en circuit court, à des particuliers et à quelques restaurateurs de confiance. Je propose du pois chiche sec, de la farine, et parfois des préparations plus artisanales.

Un moment fort de l’année, c’est la Fête du pois chiche, organisée chaque deuxième dimanche de septembre à Rougiers. Mon père faisait partie des fondateurs de la Confrérie du Pois Chiche, créée pour valoriser cette culture emblématique du village. Dans les années 90, le pois chiche avait perdu du terrain au profit du blé, jugé plus rentable. Aujourd’hui, on cherche à le revaloriser : c’est un produit noble, sain, de qualité et accessible. La fête permet de le faire redécouvrir, à travers des recettes simples et traditionnelles.

J’y cuisine des barquettes prêtes à consommer, et ma mère prépare de la pois chichade. Je fais également transformer une partie de ma récolte en farine, auprès d’un prestataire. Elle est utilisée pour des recettes traditionnelles comme le cade, ou comme alternative sans gluten dans certaines préparations. Elle est de plus en plus demandée, notamment par les familles.

Beaucoup de particuliers profitent de l’événement pour se ravitailler pour plusieurs mois. Certains passent commande en famille, parfois pour l’année entière. Je livre moi-même quand c’est possible, ou ils viennent directement à la ferme. Ce lien direct, simple et de confiance, c’est ce qui me plaît dans cette manière de vendre.

6. Que représente la filière MaTerrae pour vous ?

Pour moi, MaTerrae, c’est une opportunité de structurer localement une filière sérieuse. Seul, on ne peut pas répondre à des appels d’offre pour les cantines ou les collectivités. Il faut un cadre, une mise en réseau, un interlocuteur solide. Si ça se construit bien, je suis prêt à allouer davantage de terres au pois chiche. Mais il faut y aller pas à pas : produire, c’est une chose. Vendre durablement, c’en est une autre. Le plus important, c’est que ça reste cohérent avec ce qu’on défend.

Truc & astuce du producteur

Pour mieux conserver vos pois chiches secs ou votre farine…

Julien partage un geste transmis par sa grand-mère : glisser une ou deux branches de laurier sauce dans le sac. Son odeur naturelle agit comme un répulsif contre les mites alimentaires. Un bon moyen de préserver la qualité des produits… sans chimie !